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TCA : prise en charge psy à Genève

TCA – Ceci est une étude de 2 cas cliniques qui traite de l’exploration de l’impact de la prise en charge psychologique des TCA à Genève.

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TCA – Ceci est une étude de cas clinique qui traite de l’exploration de l’impact de la prise en charge psychologique cognitivo-comportementale sur le style de régulation émotionnelle de patientes souffrant de difficultés du comportement alimentaire : un cas de boulimie et un cas d’émétophobie.

La boulimie et l’émétophobie sont deux TCA – troubles du comportement alimentaire. Deux pathologies invalidantes liées à des difficultés de régulation émotionnelle, qui ont impact sur le comportement alimentaire. Toutes deux peuvent être prises en charge à l’aide d’une thérapie cognitivo-comportementale (TCC), ce que nous nous attachons à décrire dans le présent écrit. Plus précisément, il s’agit d’explorer l’impact d’un tel type de prise en charge sur le style de régulation émotionnelle de telles patientes, à l’aide de modèles bien établis (Fairburn, 2008 ; Boschen, 2007).

Hypothèses de travail

Nous faisons ainsi l’hypothèse d’une gestion plus adaptative de la régulation émotionnelle après traitement qu’avant. De même, nous postulons que la TCC induit des changements dans les habitudes alimentaires des deux patientes présentées, à savoir respectivement moins de crises de boulimie et de recours à des moyens de compensations ; et moins de peur de vomir. En outre, nous souhaitons parallèlement observer une amélioration des indices connus dans la littérature pour être liés à la problématique alimentaire TCA, tel que le perfectionnisme. Finalement, nous faisons l’hypothèse d’un bien-être subjectif plus important chez nos patientes, reflet d’une réduction du sentiment de dépression et d’anxiété. Dans le but d’explorer ces hypothèses, nous utilisons des questionnaires standardisés, soumis aux patientes avant et après traitement.

Efficacité des traitements pour les TCA

Globalement, les résultats vont dans le sens attendu et permettent de mettre en évidence l’impact positif d’une prise en charge psychologique de type TCC sur le fonctionnement émotionnel de patientes souffrant de difficultés du comportement alimentaire – TCA . Il semble donc que la TCC ne soit pas seulement efficace pour traiter la boulimie et l’émétophobie, mais également pour améliorer la qualité de vie des patientes. Cependant, le présent mémoire comporte quelques limites. Notamment, il inclut peu l’étude des biais attentionnels et processus cognitifs sous-tendant les pathologies susmentionnées ; et la place donnée aux relations interpersonnelles est moindre.

Strcture hospitalière pour la prise en charge des TCA

Les deux cas cliniques sélectionnés pour ce travail ont été rencontrés au Service de Psychiatrie de Liaison et Intervention de Crise (SPLIC), dépendant du Département de Santé Mentale et de Psychiatrie des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Parmi les situations fréquemment rencontrées par les collaborateurs du SPLIC, nous pouvons citer les troubles somatoformes, les tentatives de suicide, les addictions, les troubles anxieux et les troubles du comportement alimentaire. C’est précisément sur ces deux dernières problématiques que nous nous pencherons dans le cadre de ce travail.

Le SPLIC est formé de diverses unités. Nous pouvons ainsi compter des lits de thérapie brève liés à l’Unité d’accueil des urgences psychiatriques, une consultation de gynécologie psychosomatique, des consultations de psychiatrie de liaison extrahospitalière, une Unité de Psychiatrie Hospitalière Adulte (UPHA-5DL), ainsi qu’un Espace de Soins pour les troubles du Comportement Alimentaire (ESCAL). C’est au sein de cette structure que nous avons eu l’occasion de rencontrer les patientes présentées dans cette étude de cas.

L’ESCAL pour la prise en charge des TCA

L’Espace de Soins Comportement Alimentaire (ESCAL) accueille toute personne souffrant d’un trouble du comportement alimentaire (TCA), qui souhaite volontairement bénéficier des prestations offertes, et qui ne nécessite pas d’hospitalisation 24/24h.

Une partie des patientEs est adressée à l’ESCAL par d’autres professionnels du réseau (médecins, psychiatres, assistants sociaux, etc.), tandis que l’autre partie se présente de manière spontanée. L’équipe soignante est composée d’un médecin chef de clinique, d’un médecin interne, d’un infirmier responsable d’unité (IRU), de 5 infirmiers, de 3 psychologues (+ une stagiaire), d’une psychomotricienne et d’une ergothérapeute.

Les deux patientes présentées dans cette étude de cas ont été traitées au sein de la Consultation ambulatoire de l’ESCAL.

La présente étude de cas clinique

Le présent travail s’intéresse au lien existant entre la régulation émotionnelle et le comportement alimentaire problématique, en présentant respectivement un cas de boulimie et un cas de phobie alimentaire simple (émétophobie). Les deux cas ont bénéficié d’une prise en charge psychothérapeutique cognitivo-comportementale. Plus précisément, notre travail se focalise sur l’exploration de l’impact de cette dernière prise en charge sur le style de régulation émotionnelle. Dans cette optique, le cadre théorique abordera les concepts mêmes de boulimie et d’émétophobie. Nous chercherons à définir ce que c’est, et comment ces pathologies sont diagnostiquées, incluant quelques éléments épidémiologiques.

Dans un second temps, nous présenterons un modèle cognitif de la survenue et du maintien de chacun des deux comportements problématiques. Ensuite, nous décrirons brièvement les fondements généraux de toute prise en charge cognitivo-comportementale de patientEs souffrant de troubles du comportement alimentaire, et plus particulièrement de boulimie et d’émétophobie. Finalement, nous nous attacherons à définir ce qu’est la régulation émotionnelle, et plus spécifiquement dans le cadre du comportement alimentaire.

La boulimie

La boulimie, présente à raison de 4% dans la population (90% des patientEs diagnostiquéEs étant des femmes ; Carrard, 2011) est classée dans les troubles du comportement alimentaire (TCA), et requiert la présence des 5 critères, définis par le DSM-IV-TR (APA, 2000) que voici :

  • Survenue récurrente de crises de boulimie (“ binge eating”). Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes : 1. Absorption, en une période de temps limitée d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances; 2. Sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise.
  • Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids, tels que : vomissements provoqués; emploi abusif de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments; jeûne; exercice physique excessif.
  • Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant trois mois.
  • L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle.
  • Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale.

Plainte sur la perte de contrôle alimentaire

Toutefois, il semble que les critères mentionnés (APA, 2000) soient relativement stricts, puisqu’il existe plus de personnes ne les satisfaisant pas complètement que de patientEs souffrant d’une boulimie classifiée de façon précise. C’est pour cette raison que, dans le DSM-5 à paraître (Frances, 2011), les critères de fréquence d’apparition vont diminuer: il ne s’agira plus que de présenter une seule crise par semaine au minimum pendant 3 mois pour que le diagnostic de boulimie soit posé. Cela dit, éthiquement, il suffit que quelqu’un se plaigne de perte de contrôle par rapport à sa prise alimentaire pour qu’il y ait matière à une prise en charge thérapeutique (Nef, 2011).

Il est possible de se demander quelle est la validité du diagnostic de boulimie, puisque cette classe nosographique regroupe des troubles relativement différents. En effet, certainEs patientEs purging type ont régulièrement recours aux vomissements provoqués ou à l’emploi abusif de laxatifs, diurétiques, recrachages et lavements. En revanche, d’autres patientEs « non purging type » présentent d’autres comportements compensatoires inappropriés, tels que le jeûne, l’emploi de coupe-faim ou l’exercice physique excessif, mais n’ont pas recours aux moyens cités dans le « purging type ».

L’émétophobie

L’émétophobie [du grec εμετός, « vomir », et φόβος « peur »] est classifiée par le DSM-IV-TR (APA, 2000) parmi les phobies spécifiques. En dépit de cette classification, l’émétophobie présente de nombreuses caractéristiques propres aux TCA. Elle est définie comme une profonde peur de vomir ou d’entrer en contact avec des stimuli évoquant le vomi et induit de nombreux comportements d’évitement. Ces comportements d’évitement peuvent prendre diverses formes dont les principales sont l’évitement de tomber enceinte, de s’approcher de personnes malades, de voyager, ainsi que de certaines denrées alimentaires. Ce dernier type d’évitement est en lien avec un comportement alimentaire problématique et peut notamment être à l’origine d’une perte de poids notoire (Hunter & Antony, 2009).

Souvent, des comportements de sécurité et des rituels sont également mis en place. Par exemple, une personne souffrant d’émétophobie pourrait prendre des médicaments tandis que ce n’est pas nécessaire (Lipsitz, Fyer, Paterniti, & Klein, 2001).

Epidémiologie de l’émétophobie

Concernant l’épidémiologie de ce trouble, certaines études identifient une prévalence de 0,1% (Becker et al., 2007), tandis que d’autres font état d’un taux de 1,7 à 3,1% chez les femmes et 6 à 7% chez les hommes (études non publiées, répertoriées par van Overveld, de Jong, Peters, van Hout & Bouman, 2008). Généralement, l’émétophobie débute au milieu de l’enfance avec une durée moyenne de 26 ans (Veale & Lambrou, 2006). Elle a un cours relativement chronique avec peu, voire pas, de périodes de rémission (Lipsitz et al., 2001).

L’émétophobie est fortement invalidante, car elle a un impact important sur le fonctionnement dans la vie quotidienne. De ce fait, les personnes qui en souffrent rapportent généralement un niveau de stress considérable (Lipsitz et al., 2001). A noter que ce trouble est considéré comme un « nouveau » syndrome, proposé à l’inclusion dans le DSM-5 (Vandereycken, 2011).

Modèle cognitif de la boulimie

Au fil du temps, diverses hypothèses ont été émises quant aux facteurs étiologiques des TCA en général, qu’il s’agisse de la boulimie, de l’anorexie, de l’hyperphagie boulimique, ou encore d’un trouble du comportement alimentaire non spécifié. Premièrement, de nombreux auteurs ont proposé des facteurs intrapersonnels tels que le besoin d’autocontrôle (Fairburn, Shafran & Cooper, 1999), des préoccupations exagérées pour l’apparence et le poids (Fairburn, Marcus & Wilson 1993), ou encore le fait d’être une femme (Striegel-Moore 1993). Deuxièmement, des facteurs socioculturels ont également pu être mis en évidence. Nous pouvons ainsi citer la pression médiatique à la minceur (Tiggemann & Pickering, 1996), l’évolution de l’image corporelle, ainsi que l’évolution de la fréquence des régimes, tout en sachant que le jeûne augmente fortement la fréquence du « binge-eating » (Telch, Agras & Linehan, 1993). Troisièmement, la littérature fait état de facteurs familiaux, tels qu’une relation mère-fille problématique (Vanderlinden & Wandereycken, 1993), ou une famille dysfonctionnelle (Minuchin, 1978). Quatrièmement, de possibles facteurs génétiques ont été mis en avant, notamment grâce aux études réalisées sur des jumeaux (Hsu, 1990). Finalement, certaines études ont parlé de facteurs cérébraux, tels que des troubles de l’hypothalamus, ainsi que de facteurs endocrinologiques, tels que les niveaux de sérotonine (Kaye, Gendall & Strober, 1998). En résumé, il semble probable que l’étiologie des TCA soit d’ordre multifactorielle, incluant facteurs familiaux, socioculturels, psychologiques et biologiques.

Le modèle de Fairburn

C’est dans ce contexte que nous nous attacherons à décrire le modèle de Fairburn (2008) qui permet d’expliquer les différents facteurs impliqués dans la survenue de la boulimie (facteurs de vulnérabilité et facteurs précipitants), ainsi que les facteurs en lien avec son maintien. Il est important de souligner que ce modèle est applicable de façon flexible à divers autres troubles du comportement alimentaire. Ceci semble relativement raisonnable dans la mesure où les différents TCA présentent des symptômes communs. Prenant en compte le fait qu’il existe plus de troubles du comportement alimentaire atypiques que typiques (Archinard & Reverdin, 1990), il est possible d’envisager les diverses formes de TCA en termes de processus communs, sans forcément se limiter à l’étiquette diagnostique. Une raison supplémentaire pour envisager la modélisation des TCA en des termes de mécanismes communs réside dans l’observation d’un fréquent passage d’un syndrome à l’autre lors de l’évolution d’une personne.

Selon le modèle de Fairburn (2008, voir figure 1), un point de départ possible pour la compréhension de la boulimie réside dans les préoccupations obsessives pour le corps. Si la personne est insatisfaite, elle peut partir dans un contrôle excessif – régime alimentaire permanent. Dès le moment où elle essaie de limiter son alimentation et n’y parvient pas, elle va alors partir du principe que quitte à déroger à son régime, autant le faire jusqu’au bout. Nous arrivons alors à une désinhibition du comportement alimentaire.

La restriction cognitive dans le TCA

Il faut savoir que Fairburn distingue 2 concepts: la sous-alimentation réelle (ce que font les patientEs souffrant d’anorexie mentale, alors que les personnes souffrant de boulimie voudraient le faire mais n’y arrivent pas ; Nef, 2011) et la restriction cognitive, qui constitue une position mentale à l’égard des aliments dans le but de réduire ses apports caloriques. Souvent, la restriction cognitive est accompagnée de l’effacement des signaux physiologiques de faim et de satiété. Cependant, Herman et Mack (1975) ont conclu à l’absence de concordance entre restriction cognitive, réduction calorique réelle et poids de la personne.

Une personne qui cumule restriction cognitive et sous-alimentation réelle peut en arriver aux crises de boulimie, ce qui, par un cercle vicieux, tend à induire des tentatives de limitations caloriques supplémentaires. Les comportements compensatoires en sont une conséquence. Effectivement, les vomissements autoprovoqués peuvent renforcer les crises de boulimie, étant donné que l’individu sait qu’il a une échappatoire. Il ne va ainsi pas résister à l’appel de la nourriture et sera ensuite à nouveau dans un état de détresse (par ex., sentiment de culpabilité de s’être fait vomir). La crise a une fonction de coping émotionnel car elle amène un sentiment transitoire de soulagement, qui tend à renforcer le comportement.

Le perfectionnisme clinique

Les crises de boulimie ne sont pas aléatoires : elles sont souvent déclenchées par des émotions négatives dans un contexte interpersonnel. Il est cependant possible qu’une situation anxiogène amène à un comportement compensatoire même s’il n’y a pas eu de crise.

L’insatisfaction corporelle est souvent associée à une mauvaise estime de soi  qui pousse l’individu à essayer de se dépasser (Vohs et al., 2001). C’est ce qui s’appelle le perfectionnisme clinique. Il consiste en une exigence forte, et amène à adopter des règles alimentaires strictes. Le modèle, de façon congruente avec la littérature susmentionnée, n’oublie pas de mentionner le rôle prépondérant de l’influence sociale dans la survenue et le maintien du trouble boulimique.

Nef (2011) recommande d’utiliser la théorie de Fairburn comme un patron que nous allons habiller pour créer un modèle sur mesure pour notre patientE. Il mentionne également l’importance de l’ajout des évènements de vie significatifs pour la personne.

Le modèle de l’émétophobie

Le modèle présenté ici (voir figure 2) est celui de Boschen (2007). L’auteur précise qu’il l’a conceptualisé sur la base de précédents travaux publiés sur les troubles anxieux (Clark, 1986; Ehlers, 1991). Le modèle tente d’incorporer les composantes cognitives et comportementales du trouble dans le but de décrire l’anxiété, la peur et l’évitement éprouvés par les personnes souffrant d’émétophobie.

Figure 2 : Modèle cognitivo-comportemental de l’émétophobie selon Boschen (2007).

Le modèle de Boschen

Ce modèle comprend 3 phases : les facteurs prédisposants, la phase aigüe, et la phase de maintien. Deux facteurs ont été retenus comme pertinents pour expliquer la prédisposition à l’émétophobie : une vulnérabilité générale à l’anxiété, ainsi qu’une tendance à exprimer l’anxiété au travers de symptômes somatiques, et plus particulièrement ceux reliés à la sphère gastro-intestinale. Si nous nous basons sur la théorie de l’apprentissage associatif (Skinner, 1935), il est pertinent d’indiquer que les individus souffrant d’émétophobie ont souvent eu des expériences aversives préalables liées à leur phobie (Lipsitz et al., 2001), ce qui peut contribuer à l’hypervigilance dont ils font preuve. Selon ce modèle, les personnes souffrant d’éméotophobie, lorsqu’elles sont placées en condition de stress, vont avoir tendance à interpréter des stimuli ambigus, tels que des indices intéroceptifs, comme une menace imminente de vomissement (Boschen, 2007).

Biais attentionnel

Ainsi, ces patientEs ont une propension à somatiser et à répondre à une telle situation par de l’anxiété (Lipsitz et al., 2001). Les préoccupations qui en résultent mettent l’individu en état d’hypervigilance, qui s’associe à des biais attentionnels envers tout stimulus lié à la phobie de vomir. Cette sensibilité, couplée aux symptômes quotidiens de digestion, est suffisante pour maintenir l’individu dans un mode d’interprétation catastrophique. Un autre facteur de maintien de l’émétophobie est lié aux comportements d’évitement qu’adoptent les personnes qui en souffrent. Selon Boschen (2007), cet évitement a diverses répercussions : l’individu ne parvient pas à s’habituer à l’occurrence des symptômes gastro-intestinaux, et il échoue dans l’apprentissage de nouvelles expériences au sein desquelles la nausée n’aboutit pas à des vomissements subséquents.

Prise en charge de la boulimie

La prise en charge cognitivo-comportementale de la boulimie débute en général par une préparation au traitement, constituée notamment de la rencontre avec le/la patientE (recueil des plaintes spontanées, etc.). Il va s’agir de faire une évaluation des troubles et une présentation du modèle explicatif et thérapeutique (Fairburn, 2008) décrit précédemment.

Lors de l’évaluation, il s’agit d’inclure généralement cinq points dans l’analyse fonctionnelle: nature exacte du problème selon le/la patientE, psychopathologie spécifique (comportements alimentaires habituels, régimes alimentaires et résultats, historique, méthodes de contrôle du poids, expérience corporelle: satisfaction, poids idéal), psychopathologie générale (dépression, anxiétéinterpersonnelles, estime de soi, perfectionnisme), contexte social et condition physique (état de santé, poids).

Observation de son TCA

Suite à l’évaluation, l’individu se voit habituellement demander d’observer ses comportements alimentaires. Cela peut se faire grâce à un carnet alimentaire quotidien, qui va permettre de comprendre les déterminants, les déclencheurs, ainsi que les facteurs de maintien. En même temps, il s’agit également de faire de la psycho-éducation à propos de la régulation du poids corporel, des conséquences de la maladie, etc.

La suite du traitement vise à la normalisation des comportements alimentaires au travers de la prescription d’une alimentation régulière et équilibrée, du contrôle du stimulus, et de la proposition de comportements alternatifs. La prise en charge inclut également une phase de restructuration des cognitions. Des traitements complémentaires font aussi partie de la TCC et demandent à l’individu de travailler sur l’insatisfaction corporelle, l’estime de soi, l’apprentissage de la résolution de problèmes, l’entraînement à l’affirmation de soi, ou encore l’apprentissage à la tolérance des émotions fortes. En ce qui concerne la fréquence des séances, il est recommandé de proposer un à deux entretiens par semaine.

L’autotraitement de la boulimie

L’auto-traitement est une forme particulière que peut prendre la thérapie cognitivo-comportementale appliquée à des situations de patientEs souffrant de boulimie. Des études anglo-saxonnes (Cooper, Todd & Wells, 2008) démontrent qu’environ 30% des patientEs souffrant de boulimie en bénéficient.

Il s’agit de réaliser les mêmes étapes que celles qui sont présentes dans une TCC classique telle que susmentionnée, à l’exception du fait que l’individu ne se rend pas hebdomadairement en consultation avec son thérapeute. Ainsi, l’auto-traitement, ou Self Help Guide (SHG), propose les étapes de traitement suivantes : motivation, auto-observation, modifications comportementales : déclencheurs et stratégies; planification des repas, modifications cognitives : identification et relativisation des pensées automatiques, résolution de problème, affirmation de soi et enfin, prévention de la rechute. Globalement, le SHG consiste en l’exposition de la théorie de Fairburn (2008) au travers d’un support papier ou électronique (site Internet : www2.salut-ed.org/hug). Il a l’avantage d’être économique et aisément disséminable. En outre, il présente un taux de succès comparable aux TCC classiques (Rouget, Carrard & Archinard, 2005), où 50 à 60% des patientEs deviennent asymptomatiques après la thérapie (Nef, 2011).

Prise en charge de l’émétophobie

Comme dans le cas de la boulimie, la prise en charge d’une personne souffrant d’émétophobie débute en général par une présentation et une explication d’un modèle synthétisant les facteurs de déclenchement et de maintien du trouble, tel que celui de Boschen (2007), présenté précédemment. C’est en effet le cas dans la plupart des TCC, qui sont les approches les plus présentes dans la littérature en ce qui concerne la prise en charge de l’émétophobie. Plus précisément, il s’agit de thérapies utilisant la technique de l’exposition (Hunter & Antony, 2009). Par exemple, McFayden et Wyness (1983) ont présenté un cas d’émétophobie pour lequel le client rapporte être passé d’une anxiété de 6-7 (sur une échelle en 10 points, où 10 représente une anxiété maximale) face à des stimuli en lien avec le vomi à un score d’anxiété de 1 après exposition in vivo. De la même façon, Philips (1985) a utilisé l’exposition en imagerie pour traiter avec succès 7 individus souffrant d’émétophobie, en seulement 8 à 13 séances.

Exposition à des stimuli menaçants

Concrètement, il va s’agir d’exposer graduellement l’individu souffrant de TCA et plus spécifiquement d’émétophobie à différents stimuli menaçants comme, par exemple, des images en lien avec le vomi (dessins ou photographies), des bandes vidéos d’individus en train de régurgiter (Philips, 1985), la prise de substances induisant des nausées (Ritow, 1979), ou encore la simulation de symptômes physiologiques intéroceptifs (Kahana & Feeny, 2005).

L’exposition n’est pas l’unique prise en charge efficace de l’émétophobie. Ainsi, dans la littérature, nous pouvons également trouver des études de cas décrivant l’utilisation de l’hypnose, de techniques psychodynamiques, de la médication psychotropique, ou encore de techniques motivationnelles (Klonoff, Knell, & Janata, 1984; Manassis & Kalman, 1990; McKenzie, 1994; Ritow, 1979; Whitton, Luiselli & Donaldson, 2006; Wijesinghe, 1974). Cependant, Hunter et Antony (2009) précisent que dans chacun de ces traitements, des éléments de TCC sont présents, et plus spécifiquement l’exposition aux stimuli redoutés.

La régulation émotionnelle

La régulation émotionnelle (ou contrôle des émotions) se définit comme étant la capacité à agir sur ses propres émotions. C’est un processus psychologique complexe qui recouvre à la fois la capacité à déclencher, inhiber, maintenir ou moduler ses propres affects au sens large. Ceci inclut : les sentiments subjectifs liés aux émotions ; certains processus cognitifs; certains processus physiologiques et certains comportements (Thompson & Calkins, 1996). Une régulation émotionnelle problématique peut constituer un facteur de risque et/ou de maintien pour différentes pathologies (Gross, 2001), et notamment pour celles qui nous intéressent dans le présent travail.

Régulation émotionnelle et boulimie

Gilboa-Schechtman, Avnon, Zubery et Jeczmien (2006) décrivent de plus pauvres stratégies de régulation émotionnelle chez des participants souffrant de TCA, et plus particulièrement de boulimie, par rapport à un groupe de contrôle. Ce résultat est mis en lien avec la difficulté de ces patientEs dans la reconnaissance des émotions (Oldershaw, 2009). De la même façon, il n’est pas impossible que les difficultés de régulation émotionnelle qu’ont les patientEs atteintEs de boulimie soient liées à des biais attentionnels (Harrison, Sullivan, Tchanturia & Treasure, 2010). Nous pouvons ainsi en conclure que la dysrégulation émotionnelle constitue un facteur de risque et de maintien de la boulimie (Rottenberg & Gross, 2003). McCurdy (2010) a par ailleurs montré que le comportement de binge eating peut être conçu comme une méthode efficace pour réduire les affects négatifs. Cependant, des données récentes démontrent qu’une prise en charge TCC des patientEs souffrant de boulimie peut avoir un impact positif sur le type de régulation émotionnelle adoptée (Cooper, Todd, & Wells, 2008).

Régulation émotionnelle et émétophobie

Les études montrant un lien entre la dysrégulation émotionnelle et l’émétophobie sont rares. Davidson, Boyle et Laughlan (2008) démontrent que les personnes souffrant d’émétophobie ont tendance à adopter un locus de contrôle interne, constituant par là même un biais d’attribution émotionnel. Par ailleurs, une étude de Price, Veale et Brewin (2012) décrit la présence anormalement élevée d’émotions négatives dues aux images intrusives en lien avec leur phobie chez des personnes souffrant d’émétophobie. Dans ce cadre, il semble raisonnable de penser que la prise en charge TCC d’une personne souffrant d’émétophobie puisse avoir un impact positif sur le type de régulation émotionnelle adopté (Graziano, Callueng & Geffken, 2010).

La dysrégulation émotionnelle dans les TCA

Nous avons pu voir au travers de l’introduction le rôle de la régulation émotionnelle dans l’étiologie et le maintien de la boulimie et de l’émétophobie. En effet, bien que l’origine de ces deux pathologies soit largement multifactorielle, il est possible de postuler que les difficultés de régulation émotionnelle soient un facteur transdiagnostique. L’objectif de ce mémoire est d’explorer l’impact d’une prise en charge cognitivo-comportementale sur le style de régulation émotionnelle chez des patientes souffrant de pathologies liées à un TCA, et plus concrètement, de boulimie et d’émétophobie.

Sélection des patientes souffrant de TCA pour l’étude de cas

Le choix des patientes a été effectué sur la base de différents critères. Premièrement, le fait qu’elles soient toutes deux des femmes francophones d’origine suisse est un avantage car cela permet de ne pas introduire trop de variables qui pourraient interférer avec ce que nous cherchons à observer. Deuxièmement, les deux patientes ont été prises en charge au sein de la même consultation, par les mêmes thérapeutes. Troisièmement, nous avons prêté attention à ce que les patientes consultent pour des problématiques différentes l’une de l’autre, mais cependant liées à des processus communs. Ainsi, comme nous avons pu le voir dans le cadre théorique, la boulimie et l’émétophobie sont classifiées par le DSM-IV-TR (APA, 2000) dans des catégories de troubles différentes, mais ont toutefois la double caractéristique d’être à la fois étiologiquement liées à la régulation émotionnelle et d’avoir un impact sur le comportement alimentaire. Enfin, nous ne pouvions malheureusement pas faire l’économie de critères pratiques, à savoir temporels et éthiques. Il était essentiel notamment d’inclure des patientes dont le consentement éclairé avait été obtenu. En outre, dans la mesure où le temps imparti pour le stage clinique au sein du SPLIC était limité, il nous a semblé important de porter notre choix sur des patientes qui ont été suivies durant suffisamment de temps pour récolter un corpus de données conséquent.

Hypothèses de travail

L’hypothèse principale de ce travail est alors la suivante : chez les deux patientes, nous nous attendons à observer une meilleure gestion de la régulation émotionnelle après la prise en charge cognitivo-comportementale par rapport à  l’évaluation prétraitement. En effet, Garnefski, Kraaij et Spinhoven (2001) suggèrent que les diverses stratégies de coping émotionnel se divisent en deux types généraux : plus adaptatif et moins adaptatif. Les auteurs précisent que le type de régulation cognitivo-émotionnelle adoptée par un individu est moins stable que ses traits de personnalité. Après une prise en charge cognitivo-comportementale, nous postulons un changement au niveau des stratégies de régulation émotionnelle qui deviendraient « plus » adaptatives. Parallèlement, nous nous attendons à observer un changement dans les habitudes alimentaires de nos patientes : plus spécifiquement, concernant la patiente souffrant de boulimie, nous postulons une réduction des crises de binge eating et des moyens de compensation qui en découlent ; tandis que pour la patiente souffrant d’émétophobie, nous nous attendons à ce que son sentiment de peur de vomir diminue. En lien étroit avec ces changements éventuels, nous souhaitons également observer un impact de la prise en charge sur les indices connus dans la littérature pour être liés à la problématique alimentaire et anxieuse, tel que le perfectionnisme et la conscience intéroceptive.

Finalement, nous faisons l’hypothèse d’un impact positif de la prise en charge cognitivo-comportementale sur les éventuels troubles comorbides (principalement la dépression et l’anxiété état), amenant à une meilleure évaluation du bien-être subjectif.

Description des patientes souffrant de TCA

Comme mentionné plus haut, les deux patientes que nous avons choisies ont toutes deux été rencontrées au sein de l’ESCAL, et plus particulièrement de la consultation ambulatoire qui s’y rattache. Les deux patientes y effectuent un suivi psychothérapeutique individuel. Il s’agit de deux patientes qui viennent consulter de façon volontaire. Elles vivent toutes deux des difficultés importantes ayant un impact sur leur comportement alimentaire, mais se trouvent à un carrefour de leur parcours de vie où elles ont fait le choix de se soigner.

TCA – Cas clinique numéro 1 : Mme N.

Mme N. est une jeune fille de 18 ans qui nous contacte pour nous demander de l’aide en lien avec un TCA. En effet, elle se trouve actuellement en difficulté, car elle traverse une période émotionnellement chargée suite à une rupture sentimentale. Elle dit avoir récemment commencé à manger en grande quantité et de façon rapide plusieurs fois par semaine, et rapporte se faire vomir ensuite. Cet état de fait la rend triste et elle se sent coupable. Elle explique ne plus savoir comment s’en sortir seule, mais déclare habiter trop loin d’une ville pour se rendre hebdomadairement chez un professionnel de la santé. Par ailleurs, elle vit encore chez ses parents, à qui elle n’a rien dit de son mal-être. De ce fait, étant encore étudiante, elle n’a pas la possibilité économique de commencer une thérapie traditionnelle. Elle exprime donc à la première consultation son désir de participer au programme d’auto-traitement de la boulimie via internet (traitement de son TCA). Les coordonnées figurant sur le site internet étant celles de l’ESCAL, c’est la raison pour laquelle elle nous sollicite en particulier.

Histoire de Mme N.

Mme N. est née en Suisse, mais est de nationalité française. Elle est fille unique et vit actuellement avec ses parents, toujours mariés. Elle décrit sa famille comme plutôt aisée et son enfance comme paisible, malgré une forte pression de la part de ses parents quant à la réussite de sa scolarité. Malgré une relation avec ses parents décrite comme non conflictuelle, la patiente dit avoir du mal à se confier à eux. Pour cette raison, elle ne leur a jamais parlé de ses difficultés émotionnelles et alimentaires. A préciser que la patiente mentionne être très timide et ne pas aimer parler d’elle-même en général. Au moment de l’entretien anamnestique, Mme N. est célibataire. Durant le temps du traitement, elle est étudiante à plein temps dans une école professionnelle qui couple temps d’études et stage pratique. Cette formation a été commencée 5 mois avant le début du traitement psychothérapeutique.

Indice de Masse Corporelle de Mme N.

L’Indice de Masse Corporelle (IMC) de la jeune femme est de 20.96, avec une taille de 159 cm et un poids de 53 Kg. Nous pouvons ainsi la qualifier de « normopondérale ». L’historique de son IMC nous révèle que son poids le plus élevé depuis qu’elle a atteint sa taille adulte est de 66 Kg, et le plus bas de 52 Kg. Ce dernier constitue également ce qu’elle considère être son poids idéal.

La patiente situe ses premières difficultés alimentaires (TCA) à l’âge de 16 ans et les décrit comme étant de type « boulimique ». En revanche, elle rapporte ses premières crises en tant que telles à l’âge de 17 ans. Elle nous indique se souvenir d’un évènement particulier de sa vie qui lui semble être à l’origine de ses premières difficultés (rupture amoureuse, suivie d’un régime). Au moment de l’entretien d’évaluation, elle dit souffrir, car elle a le sentiment de perdre le contrôle sur son alimentation, et d’absorber en une période de temps limitée une grande quantité de nourriture. La patiente nous indique également se porter peu d’estime, cette dernière étant largement influencée par sa silhouette et le poids de son corps.

Fréquence du TCA de Mme N.

Durant les 3 mois précédant l’entretien d’évaluation, la patiente rapporte une fréquence moyenne des divers comportements boulimiques d’un par jour : vomissements, mais jamais de coupe-faim, de laxatifs ou de diurétiques. Elle dit ne pas avoir recours à des lavements ni à des exercices physiques intenses pour contrôler son poids. Durant les mêmes 3 mois, elle décrit n’avoir jeûné toute une journée qu’à une seule reprise. Cependant, Mme N. dit avoir, par le passé, eu recours à des crises de boulimie suivies de vomissements et exercices physiques intenses jusqu’à « plusieurs fois par jour ». Elle jeûnait également 2 à 3 jours par semaine, mais pense en revanche ne jamais avoir souffert de problèmes d’anorexie.

A noter que Mme N. a déjà bénéficié en 2011 d’un traitement psychothérapeutique individuel de quelques mois pour ses désordres du comportement alimentaire (TCA). Lorsqu’elle nous consulte pour la première fois, la patiente n’est plus suivie.

TCA – Cas clinique numéro 2 : Mme J.

Mme J. téléphone à l’ESCAL après avoir lu « Les phobies » (André, 1999). Elle rapporte souffrir depuis de nombreuses années de crises d’angoisse liées à une peur de vomir. Elle nous demande de l’aide pour en finir avec ses difficultés, qui l’handicapent et l’empêchent de gérer pleinement ses émotions, dont elle se dit prisonnière. Elle se déclare prête à entamer une thérapie, qu’elle souhaite focalisée sur sa terreur de vomir – donc son TCA. Effectivement, elle pense que les diverses autres plaintes qu’elle rapporte, à savoir notamment de l’anxiété, ou encore une claustrophobie, en sont des conséquences, et qu’elle en sera libérée une fois cette dernière prise en charge. Sa demande d’être suivie par des spécialistes de la thérapie cognitivo-comportementale émane de l’échec ressenti suite à une précédente thérapie d’une durée de trois mois il y a cinq ans de cela.

Origine du trouble de Mme J.

Mme J. est l’aînée de sa famille. Elle décrit ses parents comme conflictuels, peu protecteurs et culpabilisants. En particulier, elle dit avoir été élevée dans une famille pleine de règlements, où il y avait peu droit à la parole. De ce fait, Mme J. décrit avoir été une enfant spécialement sage et timide. Parmi les évènements marquants de son enfance, elle relate une opération des amygdales lorsqu’elle avait 5 ans. Elle raconte également la découverte, lorsqu’elle avait 14 ans, de son père qui trompait sa mère dans le lit conjugal. Elle fait aujourd’hui le lien avec une sexualité difficilement assumée.

Mme J. travaille actuellement dans le domaine administratif. Après avoir été mariée à un homme dont elle a divorcé, elle vit aujourd’hui en couple.

Histoire de Mme J.

Mme J. situe le commencement de sa peur de vomir à l’âge de 22 ans. Elle raconte n’avoir vomi que deux fois dans sa vie, et en garde un souvenir précis et désagréable. La première fois, la patiente avait 10 ans et a vomi sur le tapis de sa grand-mère après que celle-ci lui eut dit qu’elle serait certainement décédée le jour de son mariage. La deuxième fois, la patiente venait de manger des crevettes et a ressenti une peur intense d’étouffer. Actuellement, Mme J. rapporte que la moitié de son temps est occupé par son émétophobie, et plus particulièrement par les rituels et évitements qui en résultent. Ainsi, la patiente liste un éventail de stratégies la rassurant lorsqu’elle sent monter en elle l’anxiété de vomir. Elle a notamment recours à l’usage de peluches, d’inhalateurs, ou encore de cigarettes, récemment substituées par des patchs de nicotine. Toujours dans le but de se rassurer, elle utilise certaines substances, principalement de l’alcool et des anxiolytiques. La patiente rapporte par ailleurs un grand nombre de comportements ritualisés à but relaxant, tels que : hypervigilance interne et externe, tests kinésiologiques (i.e., observation des réactions musculaires en réponses à des stimulations digitales sur des points corporels précis), techniques d’acupuncture sur des méridiens corporels (Emotional Freedom Technique ; Flint, Lammers & Mitnik, 2006), pleurer ou encore crier.

En outre, la patiente relate éviter les gens malades et les lieux clos, tels que les tramways ou les ascenseurs. A 44 ans, Mme J. regrette de ne pas avoir eu d’enfants, la grossesse étant pour elle intimement liée à des nausées matinales.

Symptômes secondaires de Mme J.

Mme J. décrit par ailleurs des difficultés parallèles à son émétophobie. Notamment, elle explique que les anxiétés que lui crée l’inquiétude de vomir la rendent vulnérable à certaines situations, sociales surtout. Elle ressent ainsi une forte appréhension lorsqu’il y a du monde autour d’elle et a peur de se sentir inadéquate, ainsi que de ne pas être comprise. De ce fait, elle cherche à être toujours disponible, souriante et reposée. La résultante en est que des anxiétés se déclenchent souvent le soir, lorsque la patiente pense que les heures de sommeil à venir ne vont pas suffire à renouveler toute l’énergie dont elle a besoin pour « être au top ». Mme J. a le sentiment que les gens en général attendent quelque chose d’elle et se sent responsable du bien-être d’autrui. Ainsi, elle s’oblige à ne jamais penser du mal de qui que ce soit. Au vu de tout cela, nous comprendrons alors que la patiente refuse les invitations à dîner de plus de quatre personnes, évite de se faire remarquer, et fuit les conflits interpersonnels.

Outre l’axe social, la grande conséquence de l’émétophobie de Mme J. est l’axe alimentaire, truffé de règles et d’évitements. On voit ainsi le lien fort avec les TCA, car oui, l’émétophobie est un TCA. Ainsi, la patiente ne mange que ce qu’elle est certaine de digérer et évite des catégories entières de denrées, par exemple tout ce qui vient de la mer. Elle a de plus arrêté de consommer tout ce qui contient des substances susceptibles de l’exciter (café, thé, etc.). Elle a par ailleurs recours à l’usage de nourriture de réconfort, essentiellement salée (par exemple des biscuits apéritifs). Notons qu’aujourd’hui, les évitements liés à la sphère alimentaire sont moins nombreux que par le passé, où la patiente décrit avoir « presque arrêté de manger », réduisant ainsi massivement son IMC.

Le State-Trait Anxiety Inventory (STAI)

Le STAI forme Y (Spielberger, 1983) est un auto-questionnaire permettant d’évaluer l’anxiété sous deux formes : trait et état. L’anxiété trait se réfère à des différences interindividuelles stables dans la propension à l’anxiété, c’est-à-dire à des différences dans la tendance à percevoir les situations aversives comme menaçantes et à répondre par une élévation de l’intensité des réactions d’anxiété état. L’inventaire se compose ainsi de deux parties, l’une évaluant l’anxiété état (forme Y-A), l’autre appréciant l’anxiété trait (forme Y-B). La forme Y-A comprend 20 propositions permettant de savoir ce que les sujets ressentent « à l’instant ». Le participant doit ainsi indiquer pour chaque item la réponse qui décrit le mieux ses sentiments actuels, sur un continuum en 4 points, allant de 0 = « Non » à 3 = « Oui ». Un exemple d’énoncé serait « L’idée de malheurs éventuels me tracasse en ce moment ». En revanche, la forme Y-B, qui contient également 20 items, permet de saisir ce que les participants ressentent « généralement ». Les personnes doivent répondre à chaque proposition en cochant une case parmi les 4 suivantes : « presque jamais », « parfois », « souvent », et « presque toujours ». Un exemple d’item serait « J’ai l’impression que les difficultés s’accumulent à un tel point que je ne peux plus les surmonter ».

Chacune des deux sous-parties du questionnaire permet d’obtenir un score pouvant varier entre 20 et 80. Précisons que le STAI comporte de bons indices psychométriques. Citons par exemple une consistance interne satisfaisante avec des Alpha de Cronbach supérieurs à .90 pour les deux sous-échelles. La fidélité test-retest est en revanche meilleure pour la partie concernant l’anxiété trait (entre .65 et.75) que pour celle se relatant à l’anxiété état (entre .34 et .62 ; Spielberger, 1983).

Le Beck Depression Inventory – II (BDI)

L’inventaire de dépression de Beck (Beck, Sterr & Brown, 1996) est un questionnaire auto-évaluatif se composant de 21 items, qui permet d’évaluer la présence et la sévérité des symptômes dépressifs. Le participant doit choisir entre quatre énoncés de gradient différents, cotés de 0 à 3. La personne a toutefois la possibilité de cocher plusieurs énoncés s’ils conviennent à l’état ressenti au cours des 7 derniers jours. Un exemple d’item est « 0 : je ne me sens pas triste ; 1 : je me sens triste ; 2 : je suis toujours triste et je n’arrive pas à m’en sortir ; 3 : je suis si triste ou malheureux/se que je ne peux le supporter ». Nous utiliserons la version traduite en français de Delay, Pichot, Lemperiere et Mirouze (1963).

Le score total est obtenu en additionnant les réponses, et peut varier entre 0 et 63 points. Il peut être interprété de la façon suivante : de 0 à 9 : absence d’état dépressif ; de 10 à 14 : à la limite de l’état dépressif ; de 15 à 20 : état dépressif léger : de 21 à 30 : état dépressif modéré ; de 31 à 40 : état dépressif sévère ; de 40 à plus : état dépressif très sévère.

Le BDI comporte de bons indices psychométriques. Par exemple, Osman et al. (1997) démontrent un coefficient Alpha égal à 0.90

L’Eating Disorders Inventory (EDI-2)

L’inventaire des désordres alimentaires (Garner, Olmsted & Polivy 1983) est un instrument d’évaluation auto rapporté idéal pour l’étude des TCA. Il comprend 91 items, regroupés dans les 11 sous-échelles suivantes, communément associées avec les troubles du comportement alimentaire – TCA : recherche de la minceur, boulimie, insatisfaction corporelle, sentiment d’inefficacité, perfectionnisme, méfiance interpersonnelle, conscience intéroceptive, peur de la maturité, ascétisme, contrôle des impulsions, et insécurité sociale. Nous utiliserons la version française d’Archinard, Rouget, Painot et Liengme (1994). Pour chaque item, la personne se voit demander d’exprimer un degré d’accord à l’aide d’une échelle en 6 points, allant de « toujours » à « jamais ». Un exemple de proposition est « Je me sens extrêmement coupable quand j’ai trop mangé » ou encore « J’ai de la difficulté à reconnaître mes émotions ». Les scores sont obtenus en additionnant les résultats de tous les items de chaque sous-échelle. Des études de validation démontrent que l’EDI-2 présente de bons indices psychométriques : par exemple, la consistance interne dépasse les .83 (Alpha de Cronbach) pour toutes les sous-échelles (Garner et al., 1983).

La Symptom Check List Révisée (SCL-90-R)

La SCL-90-R (Derogatis, 1977) est un auto-questionnaire qui permet d’évaluer 9 facteurs reflétant la majorité des symptômes observés dans la population générale:

  • la somatisation,
  • les symptômes obsessionnels,
  • la sensibilité interpersonnelle
  • la dépression,
  • l’anxiété
  • l’hostilité
  • les phobies
  • les traits paranoïdes
  • les traits psychotiques

Le participant doit se positionner par rapport à 90 items à l’aide d’une échelle de Lickert en 5 points, allant de 0 («Non pas du tout») à 4 («Oui extrêmement»). Voici un exemple d’énoncé : « Je me sens sans énergie ou ralenti(e) ». Il est demandé au participant de remplir le test en fonction de ce qui l’a ennuyé ou préoccupé au cours de la semaine précédente.La SCL-90-R obtient des indices psychométriques satisfaisants : nous pouvons notamment mentionner une excellente consistance interne avec un Alpha de Cronbach pour les 9 sous-échelles entre .77 et .90 et une bonne fidélité test-retest située entre .78 et .86. (Schmitz et al., 2000) Nous utiliserons ici la version française de Pariente & Guelfi (1990).

Le Cognitive Emotion Regulation Questionnaire (CERQ)

Le CERQ (Garnefski, Kraaij & Spinhoven, 2001) est un questionnaire auto-rapporté évaluant les composantes cognitives de la régulation émotionnelle. Il a en effet été créé dans le but d’investiguer les processus cognitifs que les gens tendent à utiliser après avoir vécu des expériences de vie négatives, ainsi que dans le but de mieux comprendre comment ces processus peuvent affecter le cours du développement émotionnel. Idéal pour étudier le lien avec les TCA.

Il s’agit d’un instrument de 36 items avec un format de réponse sur une échelle de Lickert en 5 points allant de 1 « presque jamais » à 5 « presque toujours », dont nous utiliserons la version traduite en français de Jermann, Van der Linden, d’Acremont et Zermatten (2006). Neuf stratégies (avec des Alpha de Cronbach entre .68 et.83) différentes de régulation émotionnelle ont pu être distinguées :

1) L’acceptation (avoir des pensées d’acceptation et de résignation concernant ce qui a été vécu)

2) Le focus sur le planning (avoir des pensées sur la manière de faire et la manière de gérer des expériences)

3) La réévaluation positive (avoir des pensées indiquant qu’il faut donner des significations positives à des événements négatifs en termes de développement personnel, avoir des pensées qui relativisent les événements négatifs en comparaison à  d’autres événements).

4) La mise en perspective

5) Le focus positif (avoir des pensées plaisantes, positives et joyeuses plutôt que de penser à des événements stressants ou menaçants).

6) L’auto-blâme (réprimer sa propre attitude).

7) La rumination (réfléchir sur les sentiments et les pensées qui sont associés à des événements négatifs).

8) La dramatisation

9) Le blâme d’autrui (avoir des pensées qui réprouvent les autres sur ce qu’ils ont vécu).

Au sujet du CERQ

Les cinq premières composantes interviennent dans la régulation adaptative et les quatre suivantes dans la régulation non-adaptive. En effet, le CERQ semble bien faire la distinction entre ces deux types généraux de stratégies (r = –.34, t(222) = –4.34, p < .01) et permet de calculer ces deux sous-scores de façon séparée. Le score moyen pour la sous-échelle de stratégies de régulation émotionnelle adaptatives, composée de 20 items, est de 65.54 (±13.18), avec un Alpha de Cronbach à .89. Quant à l’échelle incluant les stratégies de régulation émotionnelle moins adaptatives (16 items), elle présente une moyenne de 36.92 (±8.54) avec un Alpha de Cronbach à .82. (Jermann et al., 2006).

L’échelle SUD

Ce que nous avons décidé d’appeler « échelle SUD » n’est pas un instrument validé ni un questionnaire standardisé. Il va simplement s’agir ici de demander chaque semaine à la patiente comment elle se sent de manière générale, sur un continuum allant de 0 à 10, 10 reflétant un indice de bien-être maximal.

Procédure pour notre étude de cas clinique au sujet des TCA

Les deux patientes se verront proposer tous les questionnaires standardisés (STAI, BDI, EDI-2, SCL-90-R, CERQ) au début de la prise en charge au sein de l’ESCAL. La consigne reçue est de remplir chaque questionnaire d’une traite et de manière individuelle. Durant toute la durée de la prise en charge psychothérapeutique, les patientes se verront également demander hebdomadairement leur niveau de bien-être général (échelle SUD). Grâce à cela, nous pourrons, au fil de la thérapie, observer l’évolution du ressenti subjectif de nos deux patientes.

Finalement, lors des séances terminant la prise en charge, les patientes se verront proposer de répondre une nouvelle fois aux divers instruments susmentionnés (liés au TCA). Ceci nous permettra d’obtenir des résultats concernant l’évolution de la problématique pour laquelle elles sont venues consulter, fournissant ainsi un support ou non à nos hypothèses de départ.

Résultats de l’évaluation initiale pour Mme N.

Les résultats obtenus lors de l’évaluation initiale du fonctionnement et de la symptomatologie de Mme N. sont présentés dans les Tableaux 1 à 3.

 

Echelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence (SD)
STAI trait 62 45.09 (11.11)
STAI état 52 40.75 (10.32)
BDI 17 État dépressif léger
CERQ stratégies  + adaptatives 50 65.54 (13.18)
CERQ stratégies – adaptatives 48 36.92 (8.54)

Tableau 1 : résultats pré-intervention de Mme N. au STAI, BDI, CERQ et valeurs de référence

 

SCL-90-R
Sous-échelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence
Somatisation 0.78 0.72
Obsession – Compulsion 0.2 0.96
Sensibilité interpersonnelle 0.76 0.96
Dépression 1.32 1.12
Anxiété 1.6 0.83
Hostilité 0.43 0.68
Phobie 0.2 0.48
Idées paranoïdes 0.4 0.73
Psychose 0.7 0.43

Tableau 2 : résultats pré-intervention de Mme N. à la SCL-90-R et valeurs de référence

EDI-2
Sous-échelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence (SD)
Recherche minceur 18 5.5 (5.5)
Boulimie 10 1.2. (1.9)
Insatisfaction corporelle 18 12.2 (8.3)
Sentiment d’inefficacité 9 2.3 (3.6)
Perfectionnisme 14 6.2 (3.9)
Méfiance interpersonnelle 6 2.0 (3.1)
Conscience intéroceptive 12 3.0 (3.9)
Peur maturité 0 2.7 (2.9)
Ascétisme 7 3.4 (2.2)
Contrôle impulsions 1 2.3 (3.6)
Insécurité sociale 9 3.3. (3.3)

Tableau 3 : résultats pré-intervention de Mme N. à l’EDI-2 et valeurs de référence

Evaluation de la symptomatologie anxieuse de Mme N.

Les résultats obtenus au STAI indiquent que Mme N. a une tendance à réagir à certaines situations par de l’anxiété. Effectivement, que ce soit pour la sous-échelle d’anxiété trait ou pour celle d’anxiété état, la patiente obtient des scores supérieurs à +1 écart-type de la norme. A noter que dans le présent écrit, et selon les recommandations de Judd et al. (2010), nous considérons qu’une différence est statistiquement significative à partir d’un écart-type. Ces résultats au STAI corroborent le score obtenu par la patiente au facteur « anxiété » de la SCL-90-R, d’une valeur significativement supérieure à la moyenne de la norme de référence.

Evaluation de la symptomatologie dépressive de Mme N.

La patiente obtient un score de 17 au BDI, la plaçant ainsi dans la frange de valeurs pouvant être interprétées comme un « état dépressif léger ». La sous-échelle de « dépression » de la SCL-90-R vient confirmer cette tendance.

Mme N : Evaluation de la symptomatologie liée au comportement alimentaire

Les résultats obtenus à l’EDI-2 par Mme N. montrent des scores qui, pour la majeure partie, sont significativement différents de la moyenne appartenant au groupe normatif de référence, à savoir des jeunes femmes collégiennes tout-venant. Nous pouvons ainsi constater que notre patiente recherche le plus souvent la minceur. Logiquement couplée à une intense peur de prendre du poids, la recherche de minceur est un construit essentiel au diagnostic d’anorexie ou de boulimie. De la même façon, Mme N. présente un comportement boulimique significatif. Ce score nous conforte dans l’idée que la patiente a une tendance à s’engager dans des comportements incontrôlables de binge-eating. En outre, notre patiente a un fort sentiment d’inefficacité. Cette notion renvoie à différents sentiments, tels que celui d’inadéquation générale, d’insécurité, ou encore de non-contrôle sur sa propre vie. De plus, Mme N. est statistiquement plus perfectionniste que la moyenne des jeunes filles constituant son groupe de référence. Le perfectionnisme est défini dans le manuel de l’EDI-2 comme étant la recherche de l’atteinte de standards personnels relativement hauts. Notre patiente présente également une méfiance interpersonnelle relativement supérieure à la moyenne. Ce résultat concorde avec le sentiment d’insécurité sociale qui habite Mme N. Ces deux derniers concepts sont effectivement étroitement liés et consistent en une difficulté à établir des relations interpersonnelles proches. Le score concernant la conscience intéroceptive de Mme N. est lui aussi plus élevé que celle des jeunes filles de son âge. Ceci signifie que la patiente ressent en général de la confusion lorsqu’il s’agit d’interpréter des stimuli internes, et particulièrement ceux en lien avec la digestion. Finalement, notons que notre patiente présente un taux d’ascétisme supérieur à la moyenne. L’ascétisme est une notion qui renvoie à la volonté de poursuivre des idéaux tels que l’autodiscipline et le sacrifice de soi.

Évaluation des processus cognitifs de régulation émotionnelle de Mme N.

Mme N. obtient un score de stratégies de régulation émotionnelle adaptatives de 50, ce qui représente un écart-type à la moyenne (65.54 ±13.18) de plus d’un. Elle obtient également un score de stratégies de régulation émotionnelles moins adaptatives de 48, ce qui représente dans ce cas aussi un écart à la moyenne de plus d’un (36.92 ±8.54). Bien que le CERQ ne présente pas un but diagnostique (Jermann et al., 2006 pour la version française), nous pouvons supposer que les résultats susmentionnés reflètent des difficultés de régulation émotionnelle chez la patiente.

Évolution de Mme N.

Mme N., après intervention psychothérapeutique, a répondu une nouvelle fois aux questionnaires proposés dans la phase évaluative. Les figures 3 à 5 en indiquent les résultats.

 

TCA-geneve-alimentaire-psy-rive-femme

 

Figure 3 : résultats pré et post-intervention de Mme N. au STAI, BDI, CERQ et valeurs de référence

 

Figure 4 : résultats pré et post-intervention de Mme N. à la SCL-90-R et valeurs de référence

 

Figure 5 : résultats pré et post-intervention de Mme N. à l’EDI-2 et valeurs de référence

 

 

 

 

 

 

Évolution de Mme N. : détails des résultats

Nous nous attacherons à présent à détailler uniquement les résultats présentant un changement par rapport à l’évaluation initiale, ainsi que les scores aux dimensions présentant un intérêt particulier pour ce mémoire, au vu des hypothèses formulées.

Concernant la symptomatologie anxieuse de la patiente, nous remarquons tout d’abord une diminution du taux de stress auto rapporté. Cependant, bien que l’anxiété état soit désormais inclue dans une marge normative autour de la moyenne, l’anxiété trait n’a pas évolué et reste supérieure à la moyenne. Ce résultat mitigé fait écho à la dimension d’anxiété de la SCL-90-R, dont le score est à présent proche de la moyenne normative.

Par rapport à la symptomatologie dépressive, lors de l’évaluation initiale, la patiente avait obtenu un score de 17 au BDI. Actuellement, il est de 14, ce qui la place dans la tranche de valeurs « à la limite du dépressif ». Ceci corrobore les résultats de la sous-échelle « dépression » de la SCL-90-R.

Les difficultés alimentaires et problématiques associées de Mme N. semblent s’être réduites. Effectivement, bien qu’aucune des dimensions de l’EDI-2 significativement différentes de la moyenne normative lors de l’évaluation initiale ne soit à présent inclues dans une marge inférieure à un écart-type de la moyenne du groupe de référence, à l’exception de l’ascétisme, nous pouvons constater que tous les indices ont fortement diminué.

Finalement, si nous nous penchons sur les indices obtenus au CERQ lors de l’évaluation finale, nous pouvons observer un changement par rapport à l’évaluation précédent la prise en charge cognitivo-comportementale. Mme N. obtient actuellement un score de stratégies de régulation émotionnelle adaptatives de 60, ce qui représente un écart-type à la moyenne de moins d’un. Elle obtient cependant un score de stratégies de régulation émotionnelle moins adaptatives de 48, ce qui ne représente pas de changement par rapport à l’évaluation initiale, et un écart à la moyenne de plus d’un.

Par ailleurs, comme nous l’avons mentionné dans la partie méthodologique de ce mémoire, nous avons demandé à la patiente d’indiquer hebdomadairement son état de bien-être subjectif, sur une échelle de 1 à 10, 10 représentant un confort maximal. Dans ce cadre, nous observons une tendance à l’augmentation du sentiment de bien-être.

Dans le cas de Mme N., il est pertinent en outre de parler de l’évolution de ses crises de boulimie et de la fréquence de ses repas ainsi que l’évolution du recours à des méthodes de compensation  étant donné que c’est principalement pour ces raisons qu’elle est venue consulter. Les résultats nous permettent d’observer une tendance à la diminution des crises de boulimie et des vomissements, malgré une tendance de la fréquence des repas à diminuer.

Cas clinique numéro 2 : Mme J. – Évaluation initiale

Les tableaux 4 à 6 synthétisent les résultats que Mme J. a obtenu lors de l’évaluation qui a précédé l’intervention psychothérapeutique.

 

Echelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence (SD)
STAI trait 45 45.09 (11.11)
STAI état 40 40.75 (10.32)
BDI 2 Absence de symptômes dépressifs
CERQ stratégies  + adaptatives 46 65.54 (13.18)
CERQ stratégies – adaptatives 52 36.92 (8.54)

Tableau 4 : résultats pré-intervention de Mme J. au STAI, BDI, CERQ et valeurs de référence

 

SCL-90-R
Sous-échelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence (SD)
Somatisation 0.92 0.72
Obsession – Compulsion 0.2 0.96
Sensibilité interpersonnelle 0.88 0.96
Dépression 0.23 1.12
Anxiété 1.5 0.83
Hostilité 0.33 0.68
Phobie 1.14 0.48
Idées paranoïdes 0.5 0.73
Psychose 0.5 0.43

Tableau 5 : résultats pré-intervention de Mme J. à la SCL-90-R et valeurs de référence

 

EDI-2
Sous-échelle Valeur Mme N. Moyenne du groupe de référence (SD)
Recherche minceur 8 5.5 (5.5)
Boulimie 1 1.2. (1.9)
Insatisfaction corporelle 16 12.2 (8.3)
Sentiment d’inefficacité 4 2.3 (3.6)
Perfectionnisme 17 6.2 (3.9)
Méfiance interpersonnelle 4 2.0 (3.1)
Conscience intéroceptive 14 3.0 (3.9)
Peur maturité 2 2.7 (2.9)
Ascétisme 2 3.4 (2.2)
Contrôle impulsions 6 2.3 (3.6)
Insécurité sociale 7 3.3. (3.3)

Tableau 6 : résultats pré-intervention de Mme J. à l’EDI-2 et valeurs de référence

Évaluation de la symptomatologie anxieuse

Le STAI affiche des valeurs qui n’indiquent pas de tendance particulière à l’anxiété chez Mme J. Ces données contrastent fortement avec le discours de la patiente, qui consulte principalement pour ce qu’elle appelle « ses angoisses ». Il est donc raisonnable de s’interroger sur le fait que ces résultats reflètent bien la réalité, d’autant plus que la patiente obtient un score largement au-dessus de la norme à la sous-échelle d’anxiété de la SCL-90-R.

Évaluation de la symptomatologie dépressive

Mme J. obtient le score de 2 au BDI, ce qui la place dans la fourchette pouvant être interprétée comme l’absence de symptomatologie dépressive. De la même manière, le facteur « dépression » de la Symptom CkeckList (SCL-90-R) affiche une valeur la situant bien au-dessous de la norme de référence.

Evaluation de la symptomatologie liée au TCA

Les scores de la patiente au questionnaire EDI-2 ont été comparés à une norme de référence. Les dimensions qui ressortent de par leur écart à la moyenne dans les résultats obtenus par Mme J. sont le perfectionnisme, la conscience intéroceptive, le contrôle des impulsions et l’insécurité sociale. Ainsi, nous pouvons dire de Mme J. qu’elle a probablement des standards personnels très élevés. De plus, sa conscience intéroceptive semble plus développée que la moyenne. Cela signifie que la patiente ressent souvent de la confusion à reconnaître et à répondre à ses états émotionnels. Elle aura ainsi tendance à interpréter certains signaux somatiques comme étant une sensation de faim ou de dégoût alors que ce n’est pas le cas. En outre, Mme J. obtient un score supérieur à la moyenne en ce qui concerne le contrôle des impulsions, indiquant ainsi une légère tendance à l’abus de substance, à l’impulsivité ou encore à l’autodestruction. Finalement, le score obtenu par la patiente aux items d’insécurité sociale représente une différence supérieure à un écart-type de la moyenne. Cela indique une tendance de la part de la patiente à considérer les relations humaines comme insécures et décevantes.

Évaluation des processus cognitifs et de régulation émotionnelle

Les indices du CERQ suggèrent des difficultés de régulation émotionnelle chez Mme J. En effet, le score de stratégies adaptatives est de 46, tandis que le score de stratégies moins adaptatives est de 52. Dans les deux cas, cela représente un écart-type à la moyenne de plus d’un.

Autres évaluations chez Mme J.

La SCL-90-R indique une légère tendance de la patiente à somatiser. En outre, le même instrument d’évaluation nous montre, sans surprise, une tendance à la phobie.

Evolution de Mme J. : BDI et TCA

Concernant les résultats obtenus par la patiente au BDI, nous ne notons pas de différence significative par rapport aux scores de l’évaluation initiale. Par ailleurs, l’anxiété ressentie par la patiente semble avoir diminué.

Concernant la symptomatologie liée au TCA – comportement alimentaire, nous notons les changements suivants. Tout d’abord, le perfectionnisme est passé du score de 17 à celui de 9. Malgré une amélioration numérique notoire, le score de 9 reste supérieur à un écart-type de la moyenne. Ensuite de cela, la conscience intéroceptive dont fait preuve la patiente est passée de 14 à 7, la plaçant ainsi dans la marge tendanciellement problématique. Le score obtenu par Mme J. aux items de contrôle des impulsions a subi un changement de 6 vers 5 : ainsi, cette sous-échelle n’est plus potentiellement problématique, puisque le score est désormais inférieur à +1SD. Finalement, mentionnons que la même chose s’est produit avec l’insécurité sociale ressentie par la patiente, qui semble avoir diminué d’un score de 7 à 5.

Évolution de Mme J. : SCL, CERQ et SUD

Le questionnaire SCL-90-R indique que la tendance à somatiser de Mme J. semble s’être elle aussi réduite, la rapprochant ainsi de la moyenne. La tendance à la phobie s’est également améliorée, bien qu’encore relativement élevée.

Finalement, en ce qui concerne plus particulièrement la régulation émotionnelle, nous pouvons observer des changements attendus mais particulièrement spectaculaires. Effectivement, les indices du CERQ sont dorénavant respectivement de 54 pour les stratégies les plus adaptatives et de 44 pour les stratégies les moins adaptatives. Dans les deux cas, les scores semblent être désormais statistiquement, bien que tendanciels, non différents de la moyenne.

Mentionnons encore que nous avons demandé à la patiente de nous communiquer chaque semaine son état de bien-être subjectif sur un continuum de 1 à 10, qui a tendance à augmenter.

Discussion du cas clinique 1 : TCA chez Mme N.

Le but de ce travail était d’observer le lien entre les processus de régulation émotionnelle et le comportement alimentaire problématique dans le cadre d’une prise en charge cognitivo-comportementale. L’évaluation initiale de nos deux patientes a permis de mettre en évidence un fonctionnement problématique, tant dans le type de régulation émotionnelle adopté que dans le comportement alimentaire dont elles font preuve.

En effet, Mme N. obtient des résultats initiaux allant de ce sens. Plus spécifiquement, les tests standardisés nous indiquent que la patiente a une tendance à réagir à certaines situations par de l’anxiété et souffre d’un état dépressif léger. L’évaluation de la symptomatologie liée au comportement alimentaire nous révèle que Mme N. semble effectivement souffrir de difficultés d’ordre boulimique. Nous pouvons entre autres le constater dans le fait qu’elle est constamment en recherche de minceur, mais aussi grâce à un score de boulimie significativement élevé. De plus, notre patiente ressent un fort sentiment d’inefficacité, en lien avec un perfectionnisme élevé et une grande volonté de poursuivre des idéaux tels que l’autodiscipline et le sacrifice de soi, ce qui, selon la littérature (voir par exemple Fairburn, 2008), est cohérent avec le diagnostic de boulimie. De la même manière, Mme N. a une conscience intéroceptive très développée. Enfin, notre patiente a de la difficulté à établir des liens interpersonnels satisfaisants, du fait d’une grande méfiance et d’un sentiment élevé d’insécurité sociale, ce qui est fréquent chez les jeunes femmes souffrant de troubles du comportement alimentaire. Finalement, certains résultats obtenus par Mme N. laissent supposer qu’elle souffre de difficultés de régulation émotionnelle.

Discussion du cas clinique 2 : TCA chez Mme J.

De la même façon, l’évaluation initiale de Mme J. indique un fonctionnement problématique dans la sphère alimentaire et dans la sphère émotionnelle. Effectivement, malgré l’absence de symptomatologie dépressive, la patiente présente des scores problématiques quant à la dimension d’anxiété, souvent somatisée. Cela dit, les différents instruments d’évaluation la mesurant ne semblent pas s’accorder sur le degré d’anxiété ressenti initialement. Mme J. semble également très perfectionniste, a de la difficulté à contrôler ses impulsions, et ressent de l’insécurité sociale. Certains indices obtenus par la patiente suggèrent également des difficultés de régulation émotionnelle, puisqu’elle a tendance à adopter des stratégies peu adaptatives. Finalement, notons que l’émétophobie semble confirmée, de par les divers résultats susmentionnés, cohérents avec un tel diagnostic selon la littérature, mais également grâce à deux autres indices. Effectivement, la SCL-90-R dénote une grande tendance à la phobie de la part de la patiente, et une conscience intéroceptive très développée. Ainsi, tel que l’expose le modèle de Boschen (2007), Mme J. ressent de la confusion et de l’appréhension à reconnaître et à répondre à ses états émotionnels. Elle a également de la difficulté à interpréter certains signaux corporels.

Une meilleure régulation émotionnelle

Pour étudier le lien entre régulation émotionnelle et comportement alimentaire problématique dans le cadre d’une prise en charge cognitivo-comportementale, nous avions formulé plusieurs hypothèses.

Premièrement, nous nous attendions à ce que les deux patientes présentent une meilleure gestion de la régulation émotionnelle après prise en charge cognitivo-comportementale qu’avant. Plus spécifiquement, nous espérions observer un changement de type de régulation émotionnelle allant de « moins » vers « plus » adaptatif. Cette hypothèse a trouvé un support clinique lors de ce travail. Effectivement, chez Mme N., nous avons pu observer un changement entre l’évaluation pré-intervention et l’évaluation post prise en charge. Elle semble en effet avoir plus fréquemment adopté des stratégies de régulation émotionnelle adaptatives, malgré que son score de stratégies moins adaptatives n’ait pas régressé tel que nous le souhaitions. Chez Mme J., en revanche, nous avons pu observer un changement plus prononcé, puisqu’aussi bien le score de stratégies adaptatives que celui de stratégies moins adaptatives semblent avoir évolué dans le sens attendu.

Un changement dans les habitudes alimentaires

Deuxièmement, nous espérions observer un changement dans les habitudes alimentaires de nos patientes, respectivement une réduction des crises de binge eating et des moyens de compensation y relatifs chez la patiente souffrant de boulimie, et une réduction du sentiment de phobie chez la patiente souffrant d’émétophobie. Cette deuxième hypothèse semble relativement bien supportée dans le cadre de ce mémoire. Tout d’abord, concernant Mme N., nous avons effectivement pu observer, grâce au carnet alimentaire qu’elle a rempli quotidiennement sur internet, une réduction de la fréquence de ses crises de boulimie et de l’utilisation de moyens de compensation (vomissements auto-provoqués en l’occurrence). De la même façon, les résultats à l’évaluation post-intervention obtenus par Mme J. nous indiquent qu’elle a moins tendance à somatiser et qu’elle ressent une phobie moins élevée qu’auparavant. Cependant, ces résultats, bien qu’encourageants, présentent des scores encore trop élevés pour être considérés comme étant statistiquement normaux.

Impact sur le perfectionnisme

Troisièmement, nous espérions observer un impact de la prise en charge sur les indices connus dans la littérature pour être liés à la problématique alimentaire, tel que le perfectionnisme et la conscience intéroceptive. Cette hypothèse semble trouver un support dans le présent écrit, conformément aux postulats associés à l’EDI-2 (Garner, Olmsted & Polivy, 1983). Effectivement, chez Mme N., diverses dimensions communément associées aux TCA se sont améliorées : recherche de minceur, boulimie, sentiment d’inefficacité, perfectionnisme, difficultés relationnelles (méfiance interpersonnelle et insécurité sociale), et conscience intéroceptive. De la même façon, chez Mme J., les scores aux dimensions de perfectionnisme, de conscience intéroceptive, de contrôle des impulsions et d’insécurité sociale se sont rapprochés de la moyenne normative.

Une meilleure évaluation du bien-être

Quatrièmement, nous faisions l’hypothèse d’un impact positif de la prise en charge cognitivo-comportementale sur les troubles comorbides éventuellement présents chez les patientes, amenant ainsi à une meilleure évaluation subjective de leur bien-être. Les problématiques les plus fréquemment associées à la boulimie et à l’émétophobie sont la dépression et l’anxiété. Concernant la symptomatologie dépressive, elle s’est améliorée dans le cas de Mme N., bien qu’encore légèrement élevée, et n’a pas évolué chez Mme J., ce à quoi nous nous attendions, puisqu’elle n’était déjà pas problématique au départ. Concernant l’anxiété état, elle a diminué chez nos deux patientes, ce qui n’est pas le cas de l’anxiété trait. Cependant, nous nous attendions à un tel résultat au vu de la littérature (Usala & Hertzog, 1991). Finalement, l’indice de bien-être hebdomadaire rapporté par nos deux patientes suggère une tendance à la hausse au fil de la thérapie.

TCA : la psychothérapie est efficace !

Pour conclure, les résultats obtenus dans ce mémoire, d’une manière générale, montrent que la prise en charge cognitivo-comportementale est efficace pour traiter les pathologies associées à des difficultés alimentaires, telles que la boulimie et l’émétophobie. De plus, l’impact de la psychothérapie ne se limite pas à la sphère alimentaire, mais semble améliorer la qualité de vie générale des patientes, ce qu’elles sont capables d’exprimer subjectivement. Ainsi, la prise en charge ne vise pas uniquement les pathologies telles que décrites dans le DSM-IV-TR (APA, 2000), mais également les troubles comorbides, comme l’anxiété et la dépression. Ces résultats suggèrent que le travail psychothérapeutique ne cible pas tant des étiquettes diagnostiques que des processus sous-jacents communs. Ainsi, nous remarquons que les deux patientes présentées dans ce mémoire réussissent mieux à gérer leurs émotions après l’intervention psychologique qu’auparavant, adoptant de façon générale des stratégies de régulation plus fonctionnelles et adaptatives.

Pour une prise en charge spécifique à Genève, prenez rendez-vous avec la psychothérapeute qui a écrit cet article.

Au-delà de la psychothérapie …

Comme nous avons pu le constater dans le chapitre précédent, les évaluations post intervention sont encourageantes, et les prises en charge sur les TCA semblent porter leurs fruits. Cependant, certains scores sont encore tendanciellement problématiques, suggérant que le résultat de la thérapie n’est pas parfait. Même si le but est de diminuer la souffrance psychologique des patientEs, ce qui semble atteint dans le présent travail, nous aurions certainement pu obtenir une revalidation du quotidien plus prononcée, sachant que par exemple, Mme N. présente encore une légère symptomatologie dépressive.

Pour ce faire, nous aurions éventuellement eu la possibilité de coupler le traitement psychothérapeutique des patientes à une prise en charge médicale et/ou médicamenteuse ; cela ne s’est cependant pas avéré nécessaire dans les présentes situations de TCA.

Les besoins spécifiques de chaque patiente souffrant de TCA

De plus, il nous aurait été utile de nous pencher plus en détails sur les processus cognitifs sous-tendant les pathologies présentées par nos deux patientes souffrant de TCA. Nous aurions ainsi pu faire usage du Mizes Anorectic Cognition Questionnaire (MAC-24; Mizes & Klesges, 1989; traduit en français par Volery, Carrard, Rouget, Archinard, & Golay, 2006). Effectivement, mieux comprendre ces processus nous aurait peut-être permis d’adapter la prise en charge aux besoins spécifiques de chaque patiente.

En outre, certaines études (voir par ex., Lena, Fiocco, & Leyenaar, 2004) suggèrent que des déficits cognitifs et des biais attentionnels jouent un rôle dans le développement et le maintien de désordres liés à la sphère alimentaire (les TCA). Or, ce mémoire n’en fait pas particulièrement état. Sachant qu’une bonne évaluation est indissociable d’une prise en charge efficace (Dumas, 2011), nous aurions pu inclure des tâches évaluant de façon ciblée la flexibilité mentale et le contrôle des inhibitions, telles que décrites chez Mobbs, Iglesias, Golay et Van der Linden (2011).

TCA : intégration des approches thérapeutiques

Finalement, bien que le présent écrit ait pour but de comprendre le lien entre régulation émotionnelle et problématique alimentaire dans le contexte d’une intervention psychologique cognitivo-comportementale, il aurait été judicieux d’inclure des concepts liés à d’autres orientations, afin d’adopter un regard plus transversal et intégratif sur les situations présentées. Par exemple, tel que nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, le domaine des relations interpersonnelles participe étiologiquement au développement et au maintien des troubles.

Or, il est vrai que la prise en charge choisie pour traiter les pathologies dont souffrent nos deux patientes ne s’attarde pas particulièrement sur ce point, et n’inclut que peu de notions propres à la systémique et à l’approche interpersonnelle (par ex., le concept de transition de rôle), ce qui représente une limite considérable à ce travail. Il aurait été bénéfique de pouvoir identifier avec plus de précisions le contexte interpersonnel de développement et de maintien des troubles et d’en analyser l’impact relationnel.

Effectivement, quelle que soit l’approche choisie, un bon psychologue ne devrait jamais perdre de vue qu’un trouble peut avoir une certaine fonction, et qu’il est important de considérer le contexte de vie des patientEs.

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